Biographie de l'auteur :
Méphisto Tourdeposh naquit au cœur de Sandor, il y a maintenant 46 ans, au sein d'une famille de la classe moyenne. Malgré une situation financière plutôt précoce, ses parents lui payèrent une éducation acceptable. Le jeune enfant se passionna très vite pour l'Histoire et les contes anciens. D'après lui, cette passion fut embrasée par sa rencontre avec un homme, qu'il décrit comme "plutôt étrange", de qui il tient cette histoire. Méphisto n'ayant pas les moyens de se payer des études à l'université, il décida de se plonger dans les livres. A la bibliothèque, il fit la rencontre d'Ibrahim d'Outremer, avec qui il se lia d'une grande amitié. Ce dernier accepta de lui payer ses études, à la seule condition qu'il n'abandonne pas en cours de route. C'est donc plein de gratitude que Méphisto se lança dans ses études d'Histoire et d'Archéologie. Durant ses études, il ne manqua jamais de s'illustrer par son esprit vif et son savoir. Au cours des années, il trouva dans la sœur de son ami, une amante, puis une épouse. Ils eurent tous deux trois enfants. Désormais professeur d'histoire à l'université d'Elaris, il publie un ouvrage sur le conte qui l'a toujours le plus intrigué durant toute sa jeunesse.
Note de l'auteur :
Nombreuses sont les histoires d’amour. Mais aucune n’est aussi pure et triste que celle de ces deux amants : L'histoire d'une ange aimante et patiente, et d'un démon rempli de haine et d’avidité.
D'après moi, l’histoire remonte à bien avant notre ère. Ce conte ne s'est néanmoins pas perdu, grâce à la tradition orale. Si cette légende ne s'est pas perdue, contrairement à d'autres, c'est car elle véhicule un sensible message d'espoir.
Néanmoins, nous ne connaissons des amants que leur histoire : Leur nom ne nous sont pas parvenu. Je prendrais donc le nom que les Kazulia leur ont donné : Hasalivé pour la femme, et Adar pour l'homme.
Je me suis permis quelques libertés, pour romancer l'histoire, concernant principalement la rencontre de ces deux êtres.
Histoire
Hasalivé était la fille d’Ibrahim. Le dieu l’avait façonnée à partir d’une fiole de sang de Hérazarme, tiré à même le cœur, et du cheveu d’une Humaine, que les Kazulia nommèrent Parosta. Cette femme était le héraut de la Justice : On la surnommait “Epée d’Ibrahim”, étant donné que beaucoup la considéraient comme le prolongement du bras juste d’Ibrahim, telle une lame divine. Il avait besoin d’une ange qui puisse aller souvent sur Sandor, capable de comprendre les humains, et de les remettre sur le droit chemin. Si le héraut de la Justice était capable d’abattre la Justice des dieux, elle le faisait sans considérer la pitié et le pardon. Alors, en utilisant un cheveu d’Hérazarme, Ibrahim espérait pouvoir créer une jeune ange capable d’être plus souple et douce, même avec les cœurs les plus noirs.
Ibrahim créa donc l’enfant, en s’aidant, dit-on, de la lumière des étoiles. Ces étoiles qui, au cœur du désert, apportent l’espoir au voyageur perdu. La fusion du désir d’Ibrahim, du sang de la déesse, du cheveu de l’humaine et de la lumière des étoiles, créa un enfant divin. Hasavilé naquit sous la forme d’un enfant humain. Ibrahim fut surpris de la douceur que l’enfant dégageait déjà. Il sut, quand l’enfant ouvrit ses yeux et croisa son regard, qu’il avait réussit.
L’enfant grandit autant en gentillesse qu’en esprit et en beauté. Avant même sa cinquième année de vie, elle avait déjà une parfaite notion de la Justice, sans qu’on l’ait forcée à s’instruire. Il arrivait que son esprit donne des solutions qui apporterait un espoir de paix et d’apaisement, qu’importe quel était le problème.
Elle devint aussi, en grandissant, la grande amie de Ternia. Quand Hasalivé n’arrivait pas à mettre certains partis d’accord, elle n’hésitait pas à se mettre du côté du plus désespéré, et de combattre avec elle. Ainsi, l’ange mena de grandes batailles aux côtés de Ternia, dès son plus jeune âge (environ 14 ans).
Adar naquit en tant qu’humain. Néanmoins, à mesure que ses années et toutes sortes de guerres passaient, il commença à être rongé par la haine, la colère, la rage. Il était né prince, et devint un roi rempli de cruauté. Il était l’ennemi connu de Parosta, qui n’avait cesse de lutter contre lui. Malheureusement, la haine et la rage de ce dernier attira l’attention de Aerhkar, un démon majeur (pas primordial). Ce dernier apparut à lui, une nuit, alors qu’Adar venait de donner l’ordre de tuer toute personne qui semblait lui vouloir du mal.
Adar avait bien compris qui était l’homme qui venait d’apparaître devant lui. Il n’était pas sous sa vraie forme, mais il dégageait une aura de puissance et de force que n’importe qui convoiterait. Aerhkar, le plus grand des démons, était face à lui. Le démon s’ennuyait beaucoup, alors il demanda à Adar s’il voulait être fort. Ce dernier répondit que oui, et Aerhkar posa cette condition : “Tu feras tout pour détruire ce qui dégage de la lumière ou qui donne du bonheur en ce monde.” Adar ne demandait que cela. Aerhkar lui offrit alors une immense puissance.
L’humain devenu démon lança un immense plan de conquête sur toute l’ancienne Sandor. Il vainquit des armées, et tua le Héraut de la Justice. Ibrahim était furieux. Il envoya donc Hasalivé, alors âgée de 16 ans, pour rapporter un peu de lumière dans les ténèbres que Adar avait amenées.
Adar avait décidé de profiter des terres conquises pour une simple promenade. Il avait toujours aimé la nature. C’était la seule chose qui lui apportait une étrange sérénité, dans son cœur tourmenté par la haine. Il marchait dans cette forêt, en plein automne. La plupart des arbres étaient jaunes, rouges, orange. Les feuilles brillaient sous la lueur du couchant, tombant paresseusement sur le sol humide, créant un tapis orangé.
Il entendit soudainement des rires et des chants. Cela lui semblait étrange, et l’emplit de rage : Il avait tout fait pour détruire le moral de ces gens. Comment pourraient-ils être heureux ? Le demi-démon suivit alors le bruit, posant sa main sur son épée. Il allait tous les égorger. Un massacre comme il les aime. Il arriva finalement à la lisière d’une clairière.
Il vit une foule de gens : enfants, vieillard, adultes, femmes, hommes. Quelque musiciens étaient présents, et jouaient gaiement. Au centre de la foule, se trouvait une femme. Adar vit ses cheveux tantôt d’un blancs pur, tantôt d’un roux sauvage, virevoltant au rythme de ses pas de danse. Ses cheveux semblaient contenir en eux la lumière de toutes les étoiles du ciel. Ou du moins, la refléter. Ses pas étaient si légers, accompagnés d’une robe si blanche, qu’ils donnaient l’impression qu’elle était une plume dansant doucement dans le vent. Le demi-démon entrevit son visage enfantin. Hasalivé souriait, riait même. Ses lèvres étaient rouges, et ses joues formaient d’adorable fossettes. Sa peau était pâle. Non, elle était blanche de lumière. Comme si la lumière courait à travers ses veines. Ses jambes bondissaient d’un endroit à l’autre, tandis que le haut de son corps suivait avec grâce. Dans ses yeux dorés se trouvait une lumière douce, remplie d’innocence et de bonté.
Adar croisa ce regard. Les yeux dorés de l’ange percèrent son cœur avec violence. L’homme eut le souffle coupé. Il avait l’impression d’étouffer. Son cœur accéléra violemment, prêt à le tuer s’il ne trouvait pas un moyen de se calmer. Il tomba à genoux, puis à quatre pattes, pantelant. Des larmes montèrent doucement à ses yeux. C’était la première fois de sa vie qu’il se sentait sincèrement heureux. Il ne pouvait que comprendre ces gens.
Hasalivé avait cessé de danser, quand elle avait vu l’homme. Elle eut l’impression que le monde autour d’elle s’était figé, quand elle croisa le regard furieux de l’homme. Les yeux de cet être semblaient chacun contenir une flamme, comme si la haine qui brûlait en lui était si forte qu’elle s’était matérialisée physiquement. Malgré tout, malgré la haine et la colère qu’elle perçut chez cet être, elle perçut aussi son malheur et sa tristesse. Il lui semblait qu’elle avait été traversée par la foudre. Parcourue de frisson, elle n’arrivait pas à quitter l’être du regard.
Pourtant, elle savait bien qu’il était son ennemi. Ce devait être lui. Le grand conquérant, qui venait de détruire ces terres. Pourtant, il semblait blessé, comme si quelque chose l’avait violemment transpercé. Il semblait blessé. Avait-elle pitié de ce si grand ennemi ? Oui, manifestement. Pourtant, elle savait que ses gestes n’étaient pas dirigé que par la pitié, quand elle commença à s’approcher. Elle était fascinée.
A quelques mètres, l’adolescente s’arrêta brutalement. Pourquoi s’approcher de lui, il allait la tuer. Mais il était prostré au sol, elle devait s’assurer qu’il allait bien. Elle voulait savoir ce qu’il avait. Hasalivé croisa son regard, à nouveau. Et elle ne put s’en détacher. Plus rien ne comptait, pas même les cris de terreur des gens, derrière. Il n’y avait que ces yeux, qui la regardaient d’un air d’incompréhension.
Adar fut confus, quand il vit la beauté tendre doucement sa main. Qu’est-ce qu’elle voulait ? Il comprit soudainement. Il était prostré au sol. La demoiselle souhaitait l’aider. Pourtant, elle avait sûrement compris ce qu’il était, puisque lui avait compris ce qu’elle était. Une ange. Voire plus. Une divinité. Pourtant, l’homme prit doucement sa main, si blanche, et si douce. L’une des mains les plus douces qui lui ait été donné de toucher. C’est avec une force surprenante que la demoiselle l’aida à se mettre debout.
Tous deux se fixèrent intensément, en silence. Aucun des deux ne se décidèrent à lâcher la main de l’autre. Il est dit qu’ils restèrent tous deux ainsi 6 jours et 9 heures durant. Finalement, Adar ne put supporter de soutenir plus ce regard si beau, si doux, où semblaient se trouver toutes les étoiles du ciel. Ces deux yeux qui semblaient être deux petits soleils, brillants, et laissant ses doux rayons le toucher au plus profond de lui. A rester ainsi aussi longtemps, il put sentir son parfum. Un parfum de fleur. C’est ce qu’elle était : une fleur, blanche et fragile. Une rage l’envahit soudainement. Il ne supportait plus cette pureté dans Hasalivé. Tout chez elle reflétait la bonté, l’amour et la justice.
Dans sa fureur, sa main bougea d’elle même, donnant une claque à la pure demoiselle. Cette dernière fut arrachée de sa contemplation, hurlant de douleur. Dès que ce cri retentit, Adar fut aussitôt désolé et malheureux. Il voulut s’excuser, mais tout ce qu’il put dire fut :
“Je n’ai pas frappé si fort !”
Hasalivé ne répondit rien, mais s’enfuit l’instant suivant, d’un pas léger. Comme si l’ange ne marchait que sur la pointe de l’herbe. Sa silhouette et sa robe blanche disparurent dans la forêt. Néanmoins, la robe de la demi déesse se déchira, laissant un petit carré de tissu.
Adar aurait voulu la rattraper, mais resta figé, incapable de dire quoi que ce soit. Alors, il s’approcha de l’endroit où elle avait disparu, et prit le morceau de tissu. Il avait le même parfum que la demoiselle. Un sourire germa doucement sur ses lèvres. Des larmes coulants doucement sur ses joues. Cette beauté ne reviendrait sûrement jamais. Il soupira doucement, et rentra au palais, ayant mit le morceau de tissu contre son cœur, sans rien faire de plus.
Dans les siècles qui suivirent, l’homme continua ses conquêtes. Il cherchait l’ange partout. Dès qu’il entendait parler d’une femme de lumière quelque part dans Sandor, il se rendait immédiatement sur place. En général il ne restait rien ni personne. Plus les siècles passaient, plus il en entendait parler. Cette femme de lumière aux cheveux blancs ou roux. Tous la décrivaient d’une beauté fragile. Mais personne n’arrivait à la décrire aussi bien qu’Adar.
“Ses cheveux reflètent le soleil ou les nuages. Ils sont lumineux et doux, et semblent voler autour d’elle. Son visage est l’un des plus beau que la terre ait porté : il porte un sourire toujours joyeux et gai, sur des lèvres d’un rouge intense. Ses yeux semblent être deux petites étoiles que les Dieux ont dérobé pour lui donner. Quand elle sourit, ses petites joues deviennent rondes et douces. Sa peau est tendre, blanche comme la neige. Elle est si légère que l’herbe ne flanche pas sous ses pieds. C’est une fleur pâle, qui semble fragile et chétive, mais qui est bien plus forte qu’on ne le croit.”
Hasalivé, quand à elle, s’était attelée à la tâche opposée d’Adar : Apporter l’espoir sur Sandor. La petite ange savait que l’homme qu’elle avait rencontré était celui qui essayait plus que jamais de détruire toute forme d’espoir, toute forme de bonheur. Cela lui faisait mal de le savoir. Pourquoi s’était-elle épris d’un être pareil ? La demoiselle se détestait de l’aimer. Quand ses pensées se perdaient vers lui, elle était prise d’une forte angoisse. Qu’arriverait-il si son père ou Nortatem apprenaient cela ? La demi-déesse préférait ne pas y penser.
Elle s’attelait plus que jamais à sa tâche, quand tous deux se rencontrèrent à nouveau. L’ange avait pris les armes, à contrecœur. Ils dirigeaient chacun une armée ennemie. En première ligne. Quand ils se virent, tous deux furent emplis de tristesse. Mais très vite, sa haine de la lumière domina violemment Adar. Quand les armées entrèrent en contact dans un bruit de fer et de cris de guerre, l’homme lui bondit dessus.
Adar était un être immense, comparé à la jeune demi déesse. Pourtant, elle arrivait à rivaliser. Chaque coup que le demi démon lui donnait, elle les rendait de manière adroite. L’homme ne put s’empêcher de remarquer qu’elle était aussi splendide au combat qu’en dansant. Hasalivé semblait d’ailleurs danser, tandis qu’Adar tentait de donner des coups de son fléau. Elle les évitait agilement, comme si elle était une feuille repoussée par l’air que brassait l’arme. L’ange possédait cette lame splendide, une épée à deux main, dont la matière n’avait aucun éclat. Une lame sur laquelle des écritures des temps passés étaient gravées. Ses gestes étaient tout aussi légers. Elle donnait toujours l’impression d’être une plume, mais cette fois, elle était capable de diriger sa pointe acérée et dangereuse pour blesser. Hasalivé avait perdu la légèreté qu’elle avait, quand elle était arrivée pour la première fois sur Sandor.
Quand leur armes s’entrechoquaient, elles produisaient des étincelles violettes. L’ange protectrice des hommes pouvait invoquer les éclairs de justice. Le démon destructeur de Sandor pouvait ouvrir le sol, et en faire jaillir le feu des enfers. Tous deux évitaient habilement les attaques de l’autre. Mais ils ne pouvaient pas les éviter toutes. Hasalivé se retrouva ainsi avec des brûlures sur toute sa jambe droite, et Adar avec les nerfs brûlés, formant des dessins sur son corps.
Pourtant, tous deux continuèrent à se battre. Des jours durant, sans relâche, ils envoyaient magie et coups. Leur combat était si magnifique que tous les soldats, des deux camps, s’arrêtèrent pour regarder. Aucun des deux ne gagnèrent, néanmoins. Ils avaient beaux être des demis-Dieux, il avaient en eux une part d’humanité. Ce fut trois semaines après le début de leur combat qu’ils tombèrent tous deux de fatigue, au sol. Sur le côté, face à face.
“Ses yeux sont si beaux”. Ils pensèrent tous deux la même chose. Le démon tendit doucement sa main, pour lui caresser la joue. Ces jours de combats l’avaient fait tomber un peu plus pour elle. Hasalivé se figea au contact de la main rugueuse. Son cœur manqua un battement, tandis qu’elle plongeait son regard dans celui de l’homme. Elle lui souri avec malaise. Ce dernier... Répondit par une grimace. Il ne savait pas sourire ? Cette constatation la fit pouffer de rire. Il n’y avait plus personne autour d’eux, leur combat était devenu trop dangereux.
Hasalivé aurait voulu lui parler, mais un éclair jaillit du ciel. Enfin, ce n’était pas vraiment un éclair. C’était l’éclat de la lame de Nortatem. Ce dernier coupa la main qui osait toucher sa soeur. Adar hurla, la demoiselle aussi. Le frère de la beauté était prête à le tuer mais, dans un sursaut d’énergie, la jeune ange bondit devant lui, le défendant de son corps. Cela arrêta la lame de Nortatem.
Son frère la fixa calmement, son épée posée sur le cou de la jeune femme. Elle prit une inspiration et lui demanda de le laisser. Le fils d’Ibrahim lui dit qu’il était un démon, qu’il devait tuer cet homme, mais la demoiselle s’entêta.
Le regard d’or soutint celui du quasi-Dieu. Avant qu’il puisse dire quoi que ce soit, le démon avait activé un objet magique, pour disparaître.
Nortatem était furieux. Il fixa sa sœur en silence, cette dernière gardant les yeux fixés au sol. La jeune déesse savait qu’il attendait une explication. Mais elle n’en avait pas, alors elle resta plongée dans le silence. L’ange dira simplement : “Je devrais te tuer, mais sans toi, les humains n’ont plus d’espoir”.
Puis l’ange disparut sans bruit, laissant la petite ange silencieuse. Elle murmura :
“Tu te trompes. Les humains ont toujours de l’espoir. Je ne fais que le leur rappeler.”
Puis elle vit la main tranchée se réduire en cendre. Il ne restait qu’un objet brillant. Une bague sertie d’un onyx. L’ange eut un léger sourire, et la récupéra doucement. Plus tard, elle en fit un collier : Ses doigts étaient trop petits pour la bague du démon.
Les années passèrent, mais Hasalivé n’avait plus la foi de se battre. Elle voulait retourner dans cette clairière où elle avait vu pour la première fois cet homme. La douce ange le fit.
Elle retourna dans cette clairière. Elle arriva dans la nuit, mais l’envie de danser la prenait déjà. Alors, à la lumière de la lune, reflétée par sa peau, elle se rendit au centre, et commença à danser, telle une plume. En tournoyant, sa robe faisait de même. Son corps sensuel donnait une splendeur à cette danse. La demoiselle tournoyait, bondissait... Puis s’arrêta. Elle avait remarqué un regard perçant, dans l’ombre de la forêt. Une joie intense l’envahit, quand en sortit Adar, cet homme maléfique, qu’elle aimait tant tout de même. Au lieu de fuir, elle s’approcha de lui, d’un pas calme.
Adar n’en croyait pas ses yeux. Il avait établi sa capitale dans le village d’à côté exprès, pour revenir ici souvent. Il ne savait pas ce qu’il espérait, jusqu'à ce qu'il voit la douce Hasalivé danser au cœur de la clairière. Quelque chose le poussa à sortir du couvert des arbres, quand il vit son regard d’or se tourner vers lui, comme pour percer l’obscurité. Quand il la vit s’avancer vers lui, la joie ne fit que monter. La voyant s’arrêter devant lui, il ne sut pas quoi faire. En fait, si. Il savait quoi faire.
La surprise de l’ange fut immense. Ses yeux s’étaient à peine plongés dans ceux de l’homme, qu’il passa doucement une main dans son dos. La jeune femme frissonna doucement, en sentant ce contact. Elle n’eut pas le temps de paniquer, que l’homme passait une main dans ses cheveux. L’homme souleva doucement la petite ange dans ses bras, et attira sa tête contre la sienne, pour déposer un doux baiser sur ses lèvres. Un monstre tel que lui était-il vraiment capable d’amour ? Peut-être que c’était un piège. Tant pis, si c’était un piège. Tant pis. Elle en avait rien à faire de ce que son père penserait. Harazarme comprendrait, elle. La jeune déesse passa ses bras autour du cou de l’homme doucement, lui rendant son baiser.
L’ange s’abandonna totalement à l’homme, l’espace de quelques secondes. Puis elle se détacha de lui. Là, elle se mit à paniquer. Non, elle ne devrait pas faire ça. L’homme murmura alors deux mots :
“C’est fou.”
La demoiselle pencha la tête de côté, l’air confuse. Il rajouta doucement :
“Dans toutes les situations, tu es... Comment dire ? Magnifique, ce n’est pas assez pour te décrire.”
Hasalivé souri grandement. Adar le lui rendit.
D’un seul coup, elle perdit ce sourire, l’air paniquée. Comment savent-ils ? Elle se détacha de lui, brutalement. Adar parut confus, et voulut la reprendre dans ses bras :
“Ne t’inquiète pas, ce n’est pas un piège.”
Hasalivé le repoussa brutalement.
“Ce n’est pas ça ! Je dois y aller !”
Puis elle disparut d’un seul coup.
Adar perdit très vite son sourire, lui aussi, quand il vit un homme sortir des arbres. Ce n’était pas Nortatem, ni Ibrahim. Non, c’était bien pire. Aerhkar s’avançait, calmement. S’ensuivit une conversation où Aerhkar menaça de le tuer, lui demandant de se reprendre. Adar était d’accord avec son maître : Après tout, il détestait autant qu’il aimait la belle Hasalivé. A la fin de la conversation, Aerhkar sortit une lame noire, en lui disant qu’il comprenait ce que l’homme ressentait. Cette lame permettrait de noircir son coeur, pour qu’elle reste à ses côtés.
Adar n’en croyait pas ses oreilles. Il prit la lame, en remerciant son maître.
Hasalivé était partie car son père lui avait ordonné de revenir auprès de lui. Elle fixait Ibrahim. Aucun doute que Nortatem avait rapporté l’évènement arrivé quelques temps auparavant.
“Si tu continue de te rapprocher de lui, ça ne finira pas bien. Cesse de le voir.”
La douce ange resta plongée dans le silence. Elle savait parfaitement que rien ne finirait bien, entre cet homme et elle. Mais elle s’en fichait bien. Elle voulait être à ses côtés malgré tout, même s’il finirait par la tuer. Ce qu’elle ressentait pour cet homme allait au delà de s’inquiéter de mourir. Elle soupira doucement et répondit calmement :
“Quand il me tuera, ne sois pas trop dur avec lui.”
Puis elle disparut, retournant sur Sandor.
Cette fois, il ne passèrent pas des années sans se voir. Le soir suivant, Hasalivé revint dans la clairière. Elle était triste, alors elle ne dansa pas, se contentant de s’asseoir au centre de l’endroit, attendant patiemment Adar. Ce dernier arriva, le pas lourd. Sa lame à la main. La demoiselle fixa cette dernière, restant silencieuse.
Mais Adar n’arriva pas à se résoudre à planter cette lame. En la voyant si triste, il la rangea et s’approcha d’elle avec un léger sourire. Il la prit dans ses bras tendrement. Il sentit la jeune ange se détendre doucement, à son contact. Un sourire heureux grandit alors sur ses lèvres, tandis qu’il caressait les cheveux de sa douce. Ces cheveux qui semblaient remplis de lumière. Elle paraissait à la fois tellement ange et tellement humaine. C’est ce qui la rendait encore plus belle. Après quelques temps, il se détacha d’elle, et sortit de son sac une lyre, et se mit à jouer un air simple.
Hasalivé eut un sourire, en le voyant faire cela. Il devait beaucoup aimer la voir danser. Heureusement qu’elle adorait ça ! Elle souri doucement au demi-démon, et après avoir déposé un baiser sur son front, elle se lança dans une danse splendide. Certains disent que c’est la danse la plus belle que Sandor ait jamais connu.
Le tissu léger de sa robe blanche volait doucement, accompagnant ses mouvements gracieux, ses pieds aux pas légers. Encore une fois, la plume dansait dans le vent. Ses cheveux de lumière changeaient de couleur selon la position qu’ils avaient : Tantôt roux, tantôt blancs. Parfois noirs. Rien ne peut décrire ce que tous deux ressentirent. Une harmonie plus que parfaite. La voix d’Adar se mit à résonner doucement. Il chantait. Il n’avait plus chanté depuis des centaines d’années. Cela se sentait, mais sa voix était toujours aussi belle. Une voix grave et douce, mélancolique. La musique qui accompagnait le tout était à la fois triste et malheureuse, comme s’il faisait ressortir tout le ressentiment et l’amour qu’il avait pour cette ange.
Une fois qu’ils eurent terminé, Hasalivé s’arrêta, dos à Adar, et fixa le ciel. Ce dernier brillait de centaines de milliers d’étoiles. Tels des diamants sur du velours d’un noir intense. Quelques nuages cotonneux, argentés à cause de la lune, parsemaient le ciel. La lune trônait là. Sa blancheur reflétait la splendeur du soleil. La nuit était plutôt froide. Un flocon tomba sur le visage de la jeune ange. La jeune demoiselle souri doucement. D’autres suivirent, commençant à déposer un manteau de blancheur sur la forêt.
Le demi-démon, encore assis, vit la demoiselle se mettre à trembler. De froid, sûrement. Alors, Adar se leva doucement, et déposa sa cape sur les épaules de son ange. Elle paraissait si fragile, si humaine, en l’instant.
En sentant la cape se poser sur ses épaules, Hasalivé sursauta brusquement. Elle avait tourné le dos à Adar, elle n’aurait pas dû... Sa panique se calma quand elle vit que tout ce qu’il faisait, c’était arranger doucement la cape, puis l’enlacer doucement, pour la réchauffer. Il déposa un baiser sur sa joue, sans rien rajouter.
Tous deux restèrent ainsi de longues heures, silencieux, se contentant de profiter du moment. Admirant le ciel et la neige qui tombait.
Puis il se séparèrent. Les années passèrent, et ils continuèrent à se voir autant que possible, bien que parfois, ils devaient se battre l’un contre l’autre le lendemain. Il arrivait que l’un ou l’autre ne vienne pas quelques mois. Ils ne parlaient pas beaucoup, au début. Mais plus le temps passait, plus ils arrivaient à parler, et plus ils s’aimaient. Aux côtés de Hasalivé, Adar se sentait serein. Il n’avait plus en lui cette haine et cette fureur qui l’habitait en permanence, l’espace d’une soirée. Hasalivé réussit à lui apprendre la compassion, la gentillesse. Cette femme était toute sa vie, tout ce qu’il aimait. Plus le temps passait, moins il avait envie de la rendre “comme lui”. Il aimait la gaieté que la femme dégageait. Il aimait sa gentillesse, il aimait tout chez elle. Hasalivé, quand à elle, trouvait un étrange repos, dans ses bras. C’était comme si rien ne pouvait lui arriver, tant qu’il était là.
Hasalivé était naïve, malgré les siècles. Le bonheur d’Adar fut écrasé. Son amour disparut, quand Aerhkar revint une fois de plus. Il voyait bien que le cœur de sa création s’était adouci, à cause de cette maudite ange. Il instilla à nouveau de la rage et de la noirceur. Elle le manipulait. C’était pour mieux le tuer. C’était la fille d’Ibrahim, qui rayonnait de cette lumière dégoûtante de Justice et d’Amour. C’est exactement ce à quoi Adar devait s’opposer. Exactement ce qu’il devait détruire.
La rage monta dans le cœur d’Adar. Comment cette peste avait-elle pu ?
Quelques jours plus tard, il se décida à se rendre à la clairière. Là l’attendait la belle Hasalivé. Elle était toujours aussi calme. Ses cheveux blancs reflétaient la lueur de la lune. L’ange semblait étrangement inquiète, et triste. Avait-elle pleuré ? Adar resta caché quelques instants, pour prendre son courage. Il aimait cette femme, mais elle l’avait trahit. Son poing se resserra sur sa lame, et ses dents se serrèrent. L’homme s’avança alors dans la clairière, furieux.
Hasalivé attendait impatiemment Adar. Mais quand elle vit ce dernier s’avancer, et qu’elle croisa son regard, elle comprit. L’ange comprit que leur fin malheureuse arrivait. Elle ne pouvait pas changer ce destin triste qui était le leur. La demoiselle aurait tant aimé que ce soit possible. Ses larmes coulèrent lentement, et elle se leva, s’avançant doucement vers lui.
En croisant le regard d'Hasalivé, plein d’amour pour lui, Adar se découragea. Il croisa à nouveau ce regard si beau. Rempli de lumière. Il détestait cette lumière. Alors, autant furieux que désespéré, ses larmes commençant à couler, il se précipita vers elle. Il savait qu’elle avait compris. Elle s’arrêta, calmement.
Adar planta violemment la lame dans le cœur de la demoiselle. Cette dernière ne lâcha pas un seul cri de douleur. Après quelques secondes, elle dira d’une voix remplie de souffrance :
“Je ne t’en veux pas. Puisse ma mort te libérer de... Lui.”
Elle tendit sa main, caressant doucement le visage du démon, essuyant ses larmes.
Hasalivé tomba doucement au sol. Elle n’était donc pas immortelle. La lumière qui brillait dans ses yeux s’éteignit doucement. Adar hurla de chagrin et de rage. Sa lumière était partie à jamais. Aerhkar avait menti. Le demi démon serrait le corps de la belle ange, sans vie désormais. Il pleurait des larmes pures et douces.
Un rire retentit, sûrement celui de Aerhkar : “Hahaha ! Tu m’as vraiment cru, espèce de minable ?”
Cette simple réflexion emplit de rage Adar. Le démon était là, en train de se moquer de lui. Adar saisit la lame encore plantée dans le cœur de Hasalivé, et se tourna vers Aerhkar. Ce dernier éclata de rire.
“Quoi, tu crois pouvoir me vaincre ? Je te rappelle que c’est MOI qui t’ai donné cette puissance, je peux te l’enlever à tout moment !”
Ce dernier tenta donc d’arracher sa puissance à Adar. Mais quelque chose le fit échouer. Adar bondit sur le démon, et s’ensuivit un long combat. La rage d’Adar, son amour pour Hasalivé et la puissance qu’il avait reçu quelques siècles auparavant étaient sûrement ce qui lui permit de vaincre, et de tuer ce démon. Malgré le fait que ce dernier était extrêmement puissant, il n’avait rien d’un démon primordial. Quand il mourut, il brûla en hurlant.
Et Adar tomba à genoux, retournant aux côtés du corps sans vie de la douce ange. Il ne savait pas qu’elle venait de la sauver de milliers d’années de torture en Enfer. Il se contenta de s’agenouiller, et pleurer des larmes de désespoir. Plus rien ne le retenait en ce monde. Elle était tout ce qu’il avait. Il passa doucement sa main dans ses cheveux, en silence. Ces derniers avaient perdu leur reflet, étaient devenu gris. Plus aucune lumière ne semblait passer dedans. Sa peau était pâle, toujours aussi douce. Mais la vie avait quitté ce corps. En témoignaient ces yeux dorés, vides désormais, qui ne reflétaient plus la joie de vivre de la fille d’Ibrahim. Adar attira le corps de Hasalivé contre lui, pour la serrer contre lui.
Soudainement, un éclair tomba auprès de lui. Il fut projeté contre un arbre. L’incarnation d’Ibrahim était là, fou de rage. Ce fut contre Hasalivé qu’il hurla en premier :
“Abrutie, je t’avais pourtant prévenue ! Son cœur n’est rempli que de ténèbres et de haine ! Il ne t’aimait pas, il ne ressentait rien pour toi ! Il est un insecte misérable attiré par ta lumière ! Ce monstre disait t’aimer parce que tu avais ce qu’il n’avait pas : ton cœur rempli de lumière, de gentillesse et de bonté !”
Le Dieu se tourna vers Adar, furieux. Leurs yeux se croisèrent. Ibrahim vit droit dans son cœur : L’homme lui avait ouvert. Parmi la haine et la colère, se trouvait un éclat de lumière. Comme une étoile solitaire, dans la nuit. Une étoile qui s’apprêtait à doucement disparaître, remplacée par la tristesse. Cet éclat, si pur, n’était rien d’autre que l’amour que ressentait le demi-démon pour Hasalivé.
Adar fixait le corps sans vie de celle qu’il avait tant aimé. Plus rien n’importait pour lui. Mourir ou vivre, tout lui allait. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’elle revienne. Sans s’en rendre compte, il avait rampé jusqu’à son corps, et plongé son visage dans ses cheveux si doux. Il lâcha un sanglot, avant de dire doucement au Dieu :
“Vous avez raison. Je ne l’ai jamais aimée. Jamais autant que vous pourriez, en tant que père. Mais... Quand je l’ai vue ce jour là, danser dans la clairière. C’est comme si elle avait planté une lame dans mon cœur. Elle était devenue ma lumière. C’était une enfant insouciante, quand je l’ai rencontrée. Et je l’ai détruite ! J’aurais dû rester loin d’elle, faire en sorte de garder sa lumière vivante ! Mais je ne suis qu’un homme. Je l’ai détruite, au fil des siècles. Comment pouvait-elle aimer un homme tel que moi ? Comment a-t-elle pu ? Elle aurait dû aimer un autre homme, et pourtant c’est sur moi que ses yeux se sont posés. Pourquoi ?”
En parlant, Adar s’était agenouillé, et avait posé son front contre celui de la demoiselle, laissant ses larmes couler. Ibrahim fixa l’homme. Pourquoi était-il si triste ? Ce n’était qu’un monstre. Le demi démon se redressa alors, caressant le visage de la demoiselle. Puis il déposa un simple baiser sur son front. Ce geste simple fit comprendre à Ibrahim ce que Hasalivé avait vu en lui. Un homme, qui n’était pas rempli que de haine. Le dieu fut touché par la pureté du geste d’Adar. Un geste qui n’était rempli que d’amour. Un amour aussi pur qu’un diamant, un amour capable de soulever des montagnes, de combattre des Dieux et des démons. Le dieu était triste de la perte de sa fille, mais cet homme l’était sans aucun doute tout autant, sinon plus. Hasalivé avait soigné ce cœur meurtri par toutes les émotions négatives possibles. Elle l’avait rendu capable d’aimer.
Ibrahim s’approcha alors de lui, et l’attrapa par la nuque. Il avait enfin vu ce que sa fille voulait qu’il voit. Mais elle avait disparu. “Quand il me tuera, ne sois pas trop dur avec lui”. Ibrahim soupira. C’était sa volonté. Adar était surpris, tentait de se débattre, mais Ibrahim restait implacable.
“Tu l’aimais, je le sais. Je l’ai compris, et elle aussi l’avait compris, bien avant que je ne te rencontre.” Le Dieu était furieux, mais il avait encore cette phrase en tête. Ne sois pas trop dur. “Mais tu l’as tuée. Tu es condamné, je te donne une éternité de souffrance et de solitude, à veiller sur son repos. Aucun démon ne pourra plus te trouver, et tu perdras toute la puissance qu’il t’avait donné. Ne restera que ta vie, qui sera infinie. Tu vivras jusqu’à la fin des temps, tourmenté par son souvenir.”
Une fumée noire s’échappa d’entre les mains du Dieu, tandis qu’Adar hurlait de douleur. Après quelques secondes, Ibrahim le relâcha. Il prit le corps de sa fille, et disparu de long jours. Adar resta au même endroit, prostré et sans un mot, durant ces trois jours. Ibrahim revint ensuite. Il ordonna à l’Homme de se relever. Adar se leva donc en silence, n’osant regarder à nouveau le Dieu dans les yeux. Ibrahim lui toucha le front, le transportant ailleurs.
“En espérant que tu retrouveras espoir, là-bas.”
La suite de l’histoire est ignorée de tous. On ne sait ce qui est advenu d’Adar, ni s’il trouva à nouveau de l’espoir. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il souffrira pour toujours, dans un endroit caché de tous. Beaucoup sont partis à la recherche du mausolée de Hasalivé, qui contiendrait en son sein un arbre aux multiples propriétés. Nombreux sont ceux qui ne sont pas revenus. Ceux qui en sont revenus, étaient bredouilles.
