Équipement:[]
Canne de marche taillée ; Chemise en lin beige (sale); Paire de braies en calicot (sales); Ceinture en corde ; Bottines en cuir (sales); Sac en jute rapiécé
Poches:[]
une outre d’eau (cont. environ 1L), une petite bourse en cuir, parchemins (cartes du Sud)
Connaissances: []
Cartographie, dessin, utilisation du métier à tisser, lecture et écriture, rudiments de[]
survie, rudiments de cuisine, pêche, dissimulation (d’elle-même), langages (rudiments linguistiques
d’Emporios ; patois d’Oldenval)
Histoire:[]
Certains ont de la chance, d’autres non. Elle aurait pu naître dans une riche famille bourgeoise dans une lointaine ville plus riche, plus peuplée, plus aimable, avec de vrais vêtements, un minimum d’éducation, et une vraie chance de s’en sortir. Elle aurait pu être une guerrière, une navigatrice, une chasseuse, ou un de ces gens qui, selon les légendes, faisait bouger et brûler des choses juste en agitant les mains ou en parlant.
En réalité, elle n’avait pas grand-chose. Née dans le sud d’Oldenval, dans un petit village miteux, qui était en fait un amas de masures en bois décrépit dans le creux d’une mesa. Son enfance s’était cantonnée à aider ses parents tisserands à produire de maigres étoffes de lin et de patchwork qui ne servaient même pas à les habiller, mais à être vendus pour une poignée de clous aux quelques marchands qui osaient s’aventurer par ici en sachant qu’ils fixaient les prix à leur guise. Qui pourrait leur en vouloir, il n’y a même pas de routes qui mènent jusqu’à chez elle !
Le lin était vendu pour une si maigre pièce que ça servait à peine à les nourrir, alors évidemment il était entièrement utilisé pour le commerce et elle n’était habillée que d’un sac de jute troué pour en faire une tunique. Cette toile de jute qui la couvrait, c’était un peu son seul habit, sa seule réelle possession. Avec le bâton qu’elle avait commencé à graver pour y tracer des lignes et des croix, évidemment.
Ça ne ressemblait pas à grand-chose, mais vu que c’était « trop fragile » pour servir à construire quoi que ce soit maintenant qu’il était entaillé, personne ne venait lui prendre. Ça pouvait servir de repoussoir à serpents, de canne de marche, de perche pour récupérer les choses trop hautes, et avec un peu de fil et d’imagination d’une canne à pêche ou d’un arc sans flèches.
Pendant que quelques rares enfants recrutés par des mercenaires à l’apparence peu amicale trouvaient une voie expresse pour la gloire et sûrement la mort, elle était cantonnée
dans ce bled perdu et l’aridité de ses terres.
Parmi les quelques arbres qui ponctuaient l’horizon, il ne s’agissait en réalité que de steppes et de terre battue de couleur ocre où rien ne poussait à part des patates douces, et un régime de celles-ci sous toutes ses formes rudimentaires (la soupe et la cuisson vapeur) était une excuse plus que valable pour devenir dépressive, alors Amarcanthe avait cette idée d’un jour réussir à faire pousser quelque chose – autre chose – dans ce désert gastronomique. De ce fait, elle utilisait souvent son bâton comme canne de marche, traçant une flèche dans le sable pour savoir par où elle partait, et laissant la pointe crisser sur le sol pour toujours retrouver son chemin dans sa quête d’un nouvel aliment qui ne soit pas une patate douce.
Évidemment, du haut de ses 8 ou 9 ans, elle n’allait jamais très loin car les contrées d’Oldenval étaient peu sûrs, mais plus les années passèrent, et plus elle esquivait le métier à tisser pour s’adonner à quelque chose d’un piètre intérêt pour son entourage, mais de bien plus intéressant pour elle : la cartographie. Même si elle ne savait pas lire ni écrire, il était facile de dessiner sur du tissu volé à droite à gauche avec un morceau de charbon, alors elle retraçait les reliefs autour d’elle, les points marquants, et tout ce qui servait à se repérer. Ces chiffons, une fois
réunis, formaient une carte rudimentaire des environs qui au final capta l’attention des quelques rares aventuriers qui se perdaient chez elle. Pas plus de trois durant l’année, cela dit, mais quand on ne connaît pas les steppes du coin, ils étaient relativement reconnaissants de cette réorientation et offraient une petite pièce à l’enfant émerveillée. Chose qui, bien entendu, intriguait les parents.
Ils conclurent un marché avec elle : si explorer les environs pouvaient aider à remplir leurs assiettes, alors ils ne l’ennuieraient plus avec le métier à tisser.
C’était plus qu’alléchant pour la gamine bien entendu, alors elle se mit en quête de nouvelles manières de dessiner – plus précises, plus rapides, et surtout qui ne s’effaçaient pas en roulant le tissu.
C’est l’arrivée d’un quatrième voyageur qui permit cette découverte : il venait de très loin, peut-être par-delà les mers, et ne souhaitait que découvrir pour écrire, chose qui était impensable pour un village comme le sien qui peinait à survivre au jour le jour, mais cet aventurier qui se présentait sous le nom de Laranile pris plaisir à éduquer les enfants et les adultes volontaires le soir au coin du feu, utilisant de larges quantités d’un matériau relativement souple et pâle où le charbon s’inscrivait bien et ne s’effaçait pas tant que l’on ne l’humidifiait pas : le papier.
Une idée germa dans l’esprit d’Amarcanthe, qui vola quelques feuilles dudit papier pour y redessiner sa carte avec une pointe de silex saupoudrée de charbon broyé au mortier, comme les pigments que sa mère fabriquait pour le tissu, et le résultat était plus qu’incroyable : même si la carte faisait au moins sa taille si elle devait être redressée, elle décrivait relativement bien l’environnement autour de cette terre, y compris les routes qui semblait craindre le village comme la lèpre. Laranile découvrit toutefois où son papier était parti, la gamine s’attendant à être battue à mort pour ce larcin, mais au contraire il lui présenta ses félicitations pour une œuvre d’une telle qualité et paya copieusement les parents de la petite pour avoir le droit d’utiliser cette carte dans ses écrits, et offrit à l’enfant un collier – une petite perle bleutée gravée d’un L, au bout d’une chaînette d’argent qui aurait pu racheter le village entier.
Sa part du marché étant remplie, elle eut la permission – pour ne pas dire le devoir – de continuer dans cette cartographie des alentours, à tel point qu’elle mit plusieurs années à la terminer avec l’aide d’une véritable canne de marche, d’un habit qui ressemblait enfin à quelque chose (une nouvelle toile de jute, cette fois doublée et qui n’était pas trouée un peu partout, et une corde venait ceindre sa taille pour éviter qu’il ne pende lamentablement) et d’un quota de nourriture maigre mais suffisant pour vivre et arpenter.
Jusqu’à ses 11 ans, elle continua de cartographier et d’annoter sa carte avec un alphabet hétéroclite, qui mêlait des lettres apprises auprès de Laranile et des lettres de son invention qui exprimait des sons, se présentant de temps à autres dans des villages qui jusqu’alors ignorait leur présence dans les steppes pour expliquer sa tâche et acquérir de nouvelles connaissances.
Au sud, elle découvrit bien vite un lac tellement grand qu’elle n’en voyait pas le bout. Les habitants de la côte appelaient ça « océan », disant qu’au-delà il y avait des terres qu’aucun d’entre eux n’explorerait jamais, mais elle adorait s’imaginer naviguer sur les immenses frégates qui passaient de temps en temps au large.
A l’est, elle découvrit des villages presque plus pauvres et plus perdus que le sien, où les habitants parlaient à peine tellement ils ne trouvaient pas utilité à dépenser de la salive pour quelque chose qui ne les aidait pas à travailler. Elle trouvait ça très triste, mais le côté pragmatique de sa vie à la rude lui fit penser qu’ils n’avaient pas entièrement tort.
A l’ouest, les villages semblaient un peu plus amicaux et plus enclins à la discussion, et certains creusaient même le sol pour récupérer de l’argile et en faire de grandes œuvres vendues aux marins qui longeaient la côte. La plupart du temps, c’était des pots et de la brique, mais quelques uns d’entre eux faisaient des bustes de personnes soi-disant connues.
Ses allers et retours à travers la brousse servirent d’ébauche à une route de terre battue entre Markel et l’horizon qui n’était pas si désert que ça, et bientôt quelques marchands vinrent renouveler l’offre mercantile qui se tarissait : les enfants partaient travailler dans les villages aux alentours et revenaient en échange avec de nouvelles connaissances pour rendre la vie un tant soit peu meilleure.
Mais ce n’était pas du goût d’Amarcanthe. Plus elle voyageait, plus elle découvrait de nouvelles choses jusqu’à ce qu’elle atteigne une contrée bien différente de ce qu’elle connut jusque-là, au nord de chez elle : Emporios.
Elle y résida un certain temps, son amour pour l’apprentissage faisant taire l’idée de revenir chez elle pour déclamer sa trouvaille. De toute façon ils étaient trop occupés dans leur petit village, n’est-ce pas ? Est-ce qu’ils sauraient même se débrouiller dans une nouvelle contrée ? C’était grâce à elle qu’ils avaient découvert autant de choses, elle avait le droit de garder certaines de ses connaissances pour elle-même, non ?
Cet endroit était encore plus désert que chez elle en terme de forêts, mais il y avait beaucoup plus de villes fortifiées avides de nouvelles richesses, de nouvelles ressources, et elle déclencha sans le savoir le début d’un nouvel acte commercial entre son ancienne communauté et cette région adoptive qu’elle abandonna bien assez vite.
Pourquoi ? Simplement parce qu’elle apprit qu’au nord, plus au nord encore, se dressait une région bien plus riche et plus boisée que ce qu’elle pouvait connaître. Spirale, qu’elle s’appelait. Il y avait de grandes villes bâties dans les montagnes, disait-on, et ils étaient si riches qu’ils n’avaient pas besoin de travailler !
Pour Amarcanthe, c’était un rêve qui était potentiellement réalité. Elle ramassa prestement ses maigres affaires et pris la direction du Septentrion, logeant chez qui voulait bien l’accueillir sur la route. Il n’était pas rare qu’elle se retrouve à dormir dans une cabane qui paraissait encore plus délaissée et branlante que ce qu’elle avait vu auparavant, mais c’était quand même un toit, et elle remerciait infiniment tous ceux qui l’aidaient dans ce périple. Ses connaissances du sud, l’habitude du métier à tisser et sa créativité surprenaient souvent les habitants d’Emporios qui ne s’attendaient pas à voir une gamine rachitique se présenter comme une exploratrice, mais l’état de ses pieds nus et les callosités dans ses mains qui tenaient le bâton ne faisaient que prouver ses dires.
Son chemin traversa bien des villes et villages d’Emporios tellement la région était grande, acquérant toujours plus de savoir et en offrant en retour, mais un jour, possiblement quelques semaines après son 17ème anniversaire selon ses estimations, elle mit un pied dans une région définitivement plus boisée, plus agréable à l’œil que tout ce qu’elle avait pu voir depuis sa naissance. Comment un endroit pouvait-il être si beau, se demandait-elle, mais cette question fut bientôt mise de côté car des milliers d’autres apparaissaient dans son esprit.
Après quelques jours de marche, en tentant de déchiffrer un panneau directionnel, une patrouille de trois gardes montés vinrent à sa rencontre.
« Halte, manante. Que faites-vous sur les terres de Tétravie ? Avez-vous un laisser-passer d’outre terre ? »
A ce moment-là, les milles et une questions disparurent pour laisser place à quatre questions essentielles sur l’instant : qui étaient-ils, qu’est-ce que « manante », qu’est-ce que « Tétravie » et surtout pourquoi avait-elle besoin qu’un « Outreterre » la laisse passer ?
Elle s’exprima du mieux qu’elle le put avec un lourd accent qui, vu leurs visages, leur était inconnu.
« Je m’appelle Eimarkanth. Je ne connais pas la Tétravie, et je viens d’Oldenval. »
L’un des gardes étouffa un rire, puis se racla la gorge. « Oldenval, vous dites ? C’est vraiment pas la porte à côté. Depuis quand marchez-vous ? »
Levant les yeux au ciel, comptant un, puis deux, puis… six doigts, elle finit par répondre « Six années, je crois. »
Il vint à trotter jusqu’à elle, pour l’observer de plus près, pendant que le second garde descendait de sa monture pour dérouler un long parchemin, s’adressant à son collègue dans une langue inconnue en se frottant le bouc.
« Vous êtes en piètre état, vagabonde. Je ne sais pas ce qui vous mène en Tétravie, mais après six années de marche jusqu’ici, je ne puis vous renvoyer pour six autres années sur vos pas. »
Faisant faire demi-tour à son cheval, il pointa au loin, à droite du croisement, la silhouette d’un fortin sur une colline à l’horizon. Il se racla la gorge, puis continua en ponctuant son dialogue de gestes : « Suivez la route jusqu’au fortin, puis trouvez le plus grand bâtiment et dites que vous nous avez rencontrés. »
Il siffla, faisant remonter le garde derrière lui sur sa monture, et ils reprirent leur route à l’opposé de la nouvelle destination d’Amarcanthe. La colline semblait être à une après-midi de marche, si elle allait à bon rythme, mais le vent frais et le paysage bucolique la distrayait énormément sur son chemin. Elle arriva un peu après le crépuscule à la palissade du village qui entourait le talus, où une sentinelle la fit s’arrêter d’une voix bourrue.
« Qui va-là ? La nuit est tombée, nous n’acceptons pas de visiteurs ! »
Elle fit signe de la main vers le mur, peinant à décerner l’homme derrière les épieux, pour montrer qu’elle était là. « Trois chevaucheurs m’ont dit de venir ici. Je cherche la grande maison. »
Il hocha la tête en silence, puis se retourna et adressa quelques mots dans l’obscurité. Un instant plus tard, la porte de la palissade s’entrouvrait pour laisser passer une seconde sentinelle portant une lanterne, qui avait l’apparence d’un lézard sur deux jambes.
« Vous êtes ? »
« Eimarkanth. De Oldenval. »
« Mh, vous êtes loin de chez vous ! Bon, suivez-moi. »
Elle lui emboîta le pas à l’intérieur du village, où s’étalaient une petite cinquantaine de chaumières aux cheminées encore fumantes, jusqu’au bâtiment le plus grand comme les soldats avaient indiqué plus tôt dans la journée.
A l’intérieur, des torches éclairaient le hall en pierre taillée et un plancher de bois élimé par les allers et venues. Ils prirent les escaliers vers le sous-sol, et ils arrivèrent en face de plusieurs boîtes de métal avec un sol de paille. Le lézard en ouvrit une, puis se tourna vers elle.
« Donnez-moi votre bâton, et entrez là-dedans. »
Elle s’exécuta, intriguée, et une fois à l’intérieur il ferma la boîte et tourna une clef dans la serrure.
Ses deux mains se plaquèrent sur la porte, qu’elle secoua, dans l’incompréhension totale. Pourquoi était-elle enfermée dans une boîte de métal ?
« Vous resterez ici pour la nuit. On ne sait pas qui vous êtes, ni ce que vous voulez, alors restez tranquille et tout ira bien. »
Il fit demi-tour sans plus de cérémonies, la laissant seule au milieu de la cage, comprenant qu’elle était coincée, et après plusieurs minutes à se lamenter et à appeler à l’aide sans réponse, elle se résolut à s’endormir les poings serrés, la tête contre les barreaux.
Au lendemain, le même garde vint la quérir, sans son bâton. Il l’emmena à l’étage, mais au lieu de prendre le chemin de la sortie ils arrivèrent dans une petite pièce où un grand homme en armure l’attendait derrière une table, bras croisés et posture martiale. Est-ce qu’elle avait fait quelque chose de mal ? Allait-il la punir ? Pourquoi on ne lui avait rien dit ?
Le lézard repartit et la laissa avec le grand homme, qui lui fit signe de s’asseoir sur un tabouret devant une table.
« Eimarkanth, c’est ça ? »
Elle hocha la tête, et il continua.
« Vous êtes bien loin d’Oldenval. Qu’est-ce que vous faites ici ? »
« Je voyage. On me dit que dans Spirale, il y a une chance de bien vivre. »
« Vous êtes déjà en Spirale. » Il fit glisser une carte vers elle, nettement plus détaillée que ses précédentes ébauches. Pointant une région du doigt, il expliqua « Vous êtes ici, en Tétravie. C’est très loin de chez vous. Vous cherchez quelqu’un ou quelque chose ? »
Elle garda le silence.
« Je vous ai posé une qu-.. »
Il s’interrompit, observant son cou. Il contourna la table, levant son menton d’une main et prenant son collier de l’autre.
« Ça, par exemple… ! Qui vous a donné ça ? Vous connaissez Josif Laranile ? L'explorateur ? »
Elle réagit au nom de son mentor d’un jour. « Laranile, oui. Il a visité mon village. J’ai fait la carte pour lui, il a donné ça. »
Dégageant son menton de la main du garde, elle planta son regard dans le sien, fronçant les sourcils.
« Vous connaissez Laranile, vous ? » Il paraissait incrédule, fronçant les sourcils à son tour. Il l’observa de haut en bas.
« Restez ici. »
Il prit la porte, la laissant seule sur son siège de piètre manufacture, et revint quelques minutes plus tard.
« Nous allons faire envoyer un coursier auprès de Laranile. Si ce que vous dites est vrai, nous vous escorterons à lui. Sinon... » Il se dressa de toute sa stature devant l’adolescente, la toisant de manière menaçante. « Vous serez considérée comme une roublarde. Et nous punissons le larcin, ici. »
Yeux rivés sur le garde dangereusement proche, il y avait beaucoup de mots qu’elle ne comprenait pas mais l’idée était claire : elle hocha fébrilement la tête en déglutissant.
« Pour le moment vous restez libre. Vu que vous n’avez aucun endroit où dormir, vous viendrez tous les soirs dormir ici jusqu’à ce que l’on reçoive réponse à notre courrier. »
Il sortit de la pièce encore une fois, et le lézard entra à son tour. Il l’escorta à l’extérieur tout en lui expliquant qu’elle n’aurait pas son bâton. Il l’amena jusqu’à un petit poste de bois proche de la palissade, où il prit dans une penderie une chemise de lin beige, une paire de braies noires en calicot et des bottines trop grandes.
« Mettez de la paille au bout des bottines, ça tient chaud. Quand vous aurez enfilé ça, vous… ben, vous faites ce que vous avez à faire. N’hésitez pas à aider ceux qui en ont besoin, rendez-vous utile. »
Ces ‘bottines’ comme il disait étaient comme des bourses de cuir, mais dont la gueule était décalée pour y glisser les pieds, chose qu’elle n’avait jamais porté auparavant.
Elle s’exécuta promptement, intriguée à l’idée de porter des chausses, et enchaîna de petites missions dans l’enceinte du village pendant près de deux semaines, se faisant connaître comme étant une personne relativement silencieuse et travailleuse : porter de l’eau, couper du bois, laver les écuries, elle accomplit un peu toutes les tâches ingrates.
Ce matin-là, elle avait à éplucher des carottes – un légume qui poussait sous terre avec une tige verte comme la patate douce, mais infiniment meilleur – et eut à peine le temps de s’installer avant d’être demandée par le grand homme qu’était Heremus, le capitaine de la garnison. Quand il n’était pas en service, il lui apprenait à lire et écrire, mais surtout à mieux s’exprimer, toutefois elle faisait encore quelques fautes.
Arborant un air grave, il se tenait assis avec une missive à la main.
« Notre coursier est revenu. Nous sommes infiniment désolés de vous apprendre qu’il est en réalité mort depuis plusieurs mois. »
Il marqua une pause, les yeux d’Amarcanthe se mirent à briller alors qu’elle hochait à peine la tête. Des gens mouraient tous les jours, mais ce tuteur d’un temps avait été si gentil à son égard qu’elle ressentait du chagrin quant à sa perte.
D’un geste, il lâcha une petite bourse de cuir sur la table, et la poussa vers elle.
« Cela dit, son fils est maintenant héritier du défunt explorateur, et tenait à vous dédommager en vous offrant quelques pièces qui vous aideront à vous établir dans la même ville que lui, soit à l’ouest d’ici, en Barovie. »
Souriant, il laissa échapper un petit sourire. « Bien entendu, vous n’êtes pas obligée de partir, parce que les gens commencent à apprécier vos petits services ici. »
L’adolescente haussa les épaules, semblant un peu désemparée, puis répondit après un moment de silence.
« Je ne veux plus dormir dans le cage. C’est trop étroit. »
Heremus étouffa un petit ricanement. Effectivement elle avait été logée dans une des cages les plus étroites, parce qu’elle était si menue qu’elle pouvait presque s’y allonger.
« C’est compréhensible. Cela dit il n’y a aucune chaumière de libre, et on commence très franchement à être à l’étroit tant que la palissade n’est pas agrandie. Le plus simple serait de partir pour Barovia. »
« J’accepte. Mais où vivre, là-bas ? »
Il pointa du doigt la petite bourse devant elle. « Vous aurez de quoi payer une ou deux nuits là-bas, avec ça. Cherchez l’auberge du... Bar’ovia je crois, et dites que vous venez de ma part, peut-être qu’ils pourront vous dégotter un petit travail ? Si ce sont toujours les mêmes gérants depuis mon dernier passage, évidemment. » La réponse n’était pas vraiment celle qu’il attendait, mais resta positive : « Est-ce que je récupère le bâton pour s’en aller ? »
Le hochement de tête scella cet accord, et elle se mit en route le lendemain matin vers Barovia, en suivant les indications d’Heremus qu’il avait écrit sur un parchemin pour qu’elle puisse s’entraîner à lire.
Un peu plus d’une semaine plus tard, elle mit les pieds à l’intérieur de la ville.
Dix-sept ans, une paire de braies et une chemise en piètre état, un baluchon dans une main et un bâton usé dans l’autre, de nombreuses heures de marche et tout autant de rêves en tête, voici l’histoire d’Amarcanthe.
Description :[]
Du haut de ses 17 ans, Amarcanthe est une adolescente particulièrement maigre, trait accentué par sa maigre stature et sa taille élancée. Elle mesure environ cinq pieds et huit pouces, soit 1m74 et se distingue par sa peau brune aux reflets cuivrés.
Le visage grave et fermé, ses yeux légèrement en amande sont d’une teinte similaire et plus foncée, comme l’écorce d’un vieux noyer. Son nez légèrement aplati trahit ses origines du sud peut-être plus que sa couleur de peau, mais il est difficile de savoir si elle est naturellement si foncée ou s’il s’agit de terre qui lui donne une teinte si foncée. Sa mâchoire taillée par l’ascétisme des grands chemins lui donne un air volontaire que ses deux lèvres confirment d’une moue défiante.
Une chose est sûre, ses cheveux ondulés continuent ce portrait aux couleurs chaudes si bien qu’elle les laisse pousser jusqu’à ce que ce ne soit pas pratique. Ceux-ci, malheureusement, manquent de soins et sont très rêches à la vue comme au toucher, lui donnant un air de sauvageonne.
Le reste du corps est à la hauteur de la description déjà fournie par le visage : taillé par la faim et la marche, elle est très svelte et présente une musculature sèche et travaillée par son style de vie nomade, bien qu’elle se soit sédentarisée depuis son arrivée en Spirale.
Elle présente peu de formes et ne paraît pas très féminine à cause du manque d’entretien, mais ses mains calleuses, ses mollets endurcis par les steppes et ses pieds habitués à arpenter tous les terrains lui confère une aura de résilience et de goût pour l’aventure. Les nombreuses années passées à utiliser tous les types de mouvement possibles font qu’elle est une habile marcheuse et grimpeuse, ce qui se voit dans sa démarche et sa pose.
Néanmoins, elle n’est pas une coquille vide malgré son silence.
En effet, elle parle peu et préfère écouter, autant par crainte que l’on se moque de son accent que par habitude. Ses expériences précédentes et sa solitude l’ont forgée en une personne débrouillarde, centrée sur elle-même et pragmatique qui n’hésitera pas à sacrifier autrui pour sa propre survie. Habituée à beaucoup bouger, elle n’aime pas être inactive et veut se montrer utile pour prouver sa valeur face aux autres qui peuvent souvent la prendre de haut à cause de son apparence et son maigre dialogue. Sa récente sédentarisation est encore vacillante dès qu’il s’agit de trouver un endroit où dormir, car elle préférera se creuser un terrier ou dormir dans un arbre comme elle l’a fait pendant des années, plutôt que d’être enfermée entre quatre murs comme une bête qui va être saignée.
Dotée d’un très bon sens de l’orientation, inventive et observatrice, elle a les capacités requises pour être une traqueuse, une artisane, ou peu importe ce qu’elle apprendra si quelqu’un la prend sous son aile.
Méfiante et réservée seraient les termes qui lui conviendraient le plus, mais elle sait reconnaître une dette et se montre extrêmement loyale et volontaire quand il s’agit de rendre service à quelqu’un qu’elle respecte.